Stabilité des gondoles à Venise : chavirent-elles souvent ?

Les chiffres n’ont rien d’anecdotique : une gondole vénitienne ne bascule pas au moindre remous. Mais lorsque, en 2013, un touriste allemand s’est retrouvé à l’eau après un accrochage avec un vaporetto, la ville a vu ses légendes bousculées. Ce fait divers a déclenché une série de contrôles stricts sur la sécurité de ce symbole flottant. Les recherches de l’Université de Padoue l’affirment : l’équilibre d’une gondole résulte d’une combinaison précise entre la forme du bateau, la place des passagers et l’expérience du gondolier.

Les autorités imposent des tests d’inclinaison réguliers à chaque embarcation. Pourtant, l’idée d’un chavirement hante toujours les esprits, nourrie par quelques épisodes aussi rares que bruyamment relayés.

La gondole vénitienne, un chef-d’œuvre d’équilibre et de tradition

La stabilité des gondoles à Venise tient à une finesse technique et à une tradition qui se transmet de génération en génération. Véritable image de la cité lagunaire, la gondole ne ressemble à aucun autre navire : chaque exemplaire sort des squeri, ces chantiers où l’on façonne les coques à la main, dans le respect de méthodes apparues bien avant que le tourisme ne transforme la ville. Le Squero San Trovaso reste l’un des derniers gardiens de ce patrimoine, où chaque gondole naît d’un patient travail d’assemblage.

Son secret ? Un fond plat et un tirant d’eau faible, parfaits pour glisser sur les canaux peu profonds. Le plat-bord dessiné avec rigueur participe aussi à la solidité de la structure, à condition de bien répartir le poids à bord. La fabrication mêle différents bois comme le chêne, l’orme, le tilleul ou le cerisier, chacun choisi pour ses qualités de résistance ou de souplesse, et chaque élément trouve sa place dans l’équilibre général du bateau.

La guilde des gondoliers se montre intransigeante sur la conformité des embarcations et la formation de ses membres. Tenir le centre de gravité, maîtriser les mouvements de balancier, placer les passagers avec précision : tout cela relève d’une discipline pointilleuse. Dès le XVIIe siècle, la fameuse loi somptuaire a imposé la couleur noire, mais l’identité de chaque gondole s’exprime encore à travers le fèrro à la proue et la forcola, cette pièce de bois sculptée qui accueille l’aviron.

Voici ce qui confère à la gondole son équilibre unique :

  • Le fond plat et la répartition précise du poids maintiennent la stabilité
  • Les bois choisis assurent robustesse et flexibilité à l’embarcation
  • La guilde des gondoliers contrôle chaque détail, de la construction à la navigation

Pourquoi la forcola et la technique du godillage font toute la différence

La forcola, pièce sculptée dans un bois dense, ne se contente pas de soutenir la rame. Véritable pivot, elle permet au gondolier de varier l’angle et la force de son geste. Grâce à son design tout en courbes, la forcola offre de multiples prises, rendant le maniement de l’aviron aussi précis qu’instantané. L’adaptation aux changements de courant ou à la densité du trafic devient alors un jeu d’équilibre et d’adresse.

La technique du godillage fait la réputation des gondoliers vénitiens. Ce mouvement ondulatoire, subtil mélange de poussées et de corrections, stabilise la gondole même quand elle croise un vaporetto ou qu’elle glisse sous les arches du Grand Canal. Debout, souvent sur une jambe, le gondolier ajuste sans cesse sa position, prêt à réagir aux moindres mouvements de ses passagers, qu’ils soient absorbés par la vue ou trop occupés à immortaliser l’instant.

Dans la réalité, la sécurité dépend largement de la vigilance du gondolier. Quand la gondole bascule, c’est presque toujours la conséquence d’un déplacement imprévu de passagers, plus soucieux de leur selfie que de la stabilité du bateau. Près de sites prisés comme la place Saint-Marc ou le pont du Rialto, quelques scènes ont été capturées et partagées sur internet. Pourtant, derrière chaque traversée réussie, ce sont la forcola et la maîtrise du godillage qui assurent, discrètement, la stabilité du bateau.

Vue de dessus d

Au cœur de la culture vénitienne : histoires, légendes et secrets de stabilité

La stabilité des gondoles à Venise nourrit depuis toujours les conversations sur les quais. Les habitants aiment rappeler que le chavirement reste une rareté, presque toujours lié à l’exubérance de visiteurs peu attentifs. Quand la foule s’amasse près du pont du Rialto ou sur la place Saint-Marc, il arrive que des passagers se lèvent, s’apostrophent pour une photo, oubliant les recommandations du gondolier. Certains épisodes, filmés et partagés en ligne, suivent le même schéma : un groupe qui bouge trop, une manœuvre délicate sous un pont, et la gondole finit à l’envers sous les regards amusés des spectateurs.

À l’opposé, dans les quartiers où la vie vénitienne bat son plein, la gondole reste associée à la fiabilité. On évoque volontiers les marchés du Rialto ou les bacaros de Cannaregio, où l’embarcation a longtemps servi aux marchands et aux notables pour traverser la lagune, même lorsque le temps tournait. Les taxis, pompiers ou policiers sont rarement appelés pour récupérer une gondole renversée, preuve que la conception, franc-bord minutieusement calculé, juste largeur, assure une sécurité constante.

Trois aspects illustrent cette réalité :

  • Incidents récents : des touristes tombés à l’eau près du Rialto, secourus sur-le-champ par des chauffeurs de taxi, avec l’aide des pompiers
  • Réglementation : pour limiter les excès du tourisme, la ville impose de nouvelles règles comme l’inscription préalable et une contribution de 5 € à partir de 2024
  • Résonance internationale : la Fondation espagnole iO et le Journal of Travel Medicine rappellent que la prise de selfies risqués provoque des accidents similaires dans bien d’autres destinations, du Vésuve à l’Asie du Sud-Est

La gondole, témoin discret de la vie à Venise, continue d’incarner le génie artisanal et la capacité d’adaptation d’une ville soumise aux vagues du tourisme. Entre tradition séculaire et nouvelles règles, l’équilibre tient bon, à condition de ne pas oublier que, sur l’eau, la discipline du geste vaut toutes les promesses d’ailleurs.

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